Dans un article précédent (à lire ici) j’expliquais en quoi consiste, selon moi, un accouchement difficile. Je précisais aussi la différence entre ma conception et la conception médicale d’usage.
Suite à cet article, certaines m’ont demandé ceci :
« Plus concrètement, comment savoir si j’ai vraiment eu un accouchement difficile ?
Comment savoir si mon mal-être aujourd’hui est normal ou pas ?
Comment être sûre que ce n’est pas juste lié au post-partum et à son cortège de fluctuations hormonales souvent décrites comme tempétueuses ? »

La violence, pendant un accouchement, peut être sournoise, discrète ou banalisée
Il peut y avoir de nombreux actes et contextes générateurs de difficultés, violents même, pour la femme qui accouche. Et ce peut être beaucoup moins criant ou spectaculaire qu’une césarienne à vif ou qu’un contrôle de dilatation du col effectué de force et devant six personnes. Les difficultés rencontrées sont souvent sournoises, et le discours ordinaire autour de l’accouchement a complètement admis la brutalité. Il est donc parfois très difficile de savoir ce qui est normal/acceptable d’avoir subi.
Ainsi, de nombreuses femmes doutent de leur légitimité à souffrir ou à être en colère.
Ce n’est pas parce qu’aucun membre de l’équipe médicale ne vous a insultée que vous avez été respectée pendant votre accouchement. Ce n’est pas parce que vous avez finalement donné votre accord, entre deux contractions et sous la pression ou la peur, à un acte que vous refusiez au départ, que vous avez donné votre consentement libre et éclairé. Ce n’est pas parce que votre voisine a dû accoucher sur le dos et sanglée (et qu’elle n’a pas vu le problème) que vous n’avez pas le droit d’être en colère d’avoir subi la même chose six mois plus tard.
Accouchement difficile : ce que le subjectif nous dit de ce qui est objectif
Afin d’y voir plus clair, je vous propose ici une liste d’indices qui peuvent aider à qualifier de “difficile” une expérience d’accouchement. Ces éléments ne sont pas fondés sur les actes ou le déroulement des faits, mais sur le ressenti. Or, ce dernier est, par nature, incontestable, indiscutable, quel que soit le point de vue médical.
Et, surtout, ce que les femmes ressentent nous renseigne, de manière quasiment infaillible, sur la réalité des faits.
Après leur accouchement, immédiatement ou pas, toutes les femmes que j’ai accompagnées se sont trouvées dans une des situations suivantes (souvent plusieurs) alors même, parfois, que leur dossier médical ne faisait état d’aucune difficulté particulière pendant l’accouchement. Pourtant, à chaque fois, nous avons identifié, finalement, plusieurs éléments factuels clairement objectivables et contestables tant du point de vue du respect des recommandations médicales que des droits de la patiente.
Vous avez eu un accouchement difficile si…
… vous vous reconnaissez dans n’importe laquelle de ces affirmations (cette liste n’est pas exhaustive) :
- Vous pensez à votre accouchement ou à votre séjour à la maternité avec une boule au ventre.
- Vous voulez vite oublier votre accouchement.
- Vous avez des pensées intrusives, type flash-back ou ruminations, portant sur des moments précis de votre accouchement et qui vous laissent en proie à un malaise, à de la tristesse ou à de la colère.
- Vous n’osez pas dire à votre entourage que l’accouchement est difficile à digérer, par crainte de ne pas être comprise.
- Vous êtes meurtrie (et n’osez peut-être pas le montrer) lorsque quelqu’un minimise les souffrances/difficultés de votre accouchement.
- Vous avez (ou avez eu) des conflits (importants ou non) avec votre entourage (conjoint, famille, amis) au sujet de votre accouchement.
- Vous êtes gênée de ne pas savoir exactement quels actes ont été pratiqués sur vous ou votre bébé pendant l’accouchement. Vous l’avez peut-être demandé, mais sans avoir obtenu de réponse précise.
- Après ce que vous avez traversé, vous vous dites qu’un accouchement, c’est violent par nature.
- Vous trouvez que vous n’avez pas été assez soutenue par votre compagnon/compagne pendant votre accouchement et vous en gardez du ressentiment à son égard.
- Vous pensez que votre corps n’a pas fonctionné comme il fallait, même si vous ne souffriez d’aucune pathologie particulière.
- Vous auriez besoin de comprendre ce qui s’est passé sans oser/pouvoir demander des éclaircissements à l’équipe médicale.
- Vous avez le sentiment d’avoir raté quelque chose dans cette expérience.
- Vous envisagez de renoncer à une grossesse ultérieure pour ne pas revivre la même chose.
- Vous nourrissez du ressentiment à l’égard de votre bébé à cause de l’accouchement.
- Vous avez le sentiment de n’avoir pas décidé grand chose pendant votre accouchement et vous vous sentez frustrée.
- Vous êtes encore triste ou en colère au souvenir d’un geste que vous avez subi, d’une parole que vous avez entendue ou d’une situation que vous avez vécue pendant votre accouchement (quels qu’en soient l’origine ou le contexte).
- Vous regrettez de ne pas avoir été assez accueillante avec votre bébé lorsqu’il est né.
- Vous pensez que vous ne vous êtes pas assez préparée pour bien accoucher.
- Vous croyez que seul un prochain accouchement réussi pourrait vous « réparer ».